GENRE : Science fantasy / Steampunk
ÉDITION : ActuSF
COLLECTION : Les Trois Souhaits
NOMBRES DE PAGES : 344
DATE DE PUBLICATION : 3 novembre 2015
LANGUE D'ORIGINE : Français
AUTEUR : Fabien Clavel
Fabien Clavel est né à Paris en 1978. Après avoir vécu à Pierrefonds (Oise), il a suivi des études de lettres classiques à Paris.
Tout en collaborant à divers jeux de rôles et au magazine Casus Belli, il publie, en 2002, aux éditions Mnémos, une série de romans inspirée du jeu Nephilim, avant de se consacrer à ses propres univers.
Parallèlement,
en 2007, il se lance dans la littérature jeunesse aux éditions Mango, à
la fois en fantasy et en science-fiction. Sa série La Dernière Odyssée a été récompensée par deux prix.
Après avoir vécu en Hongrie entre 2007 et 2011, où il a enseigné le
français et le latin au lycée français de Budapest, il est revenu en
France, où il donne des cours de français, de latin et de littérature et
société au lycée Julie-Victoire Daubié à Argenteuil.
" Paris, 1872. On retrouve dans une ruelle sombre le cadavre
atrocement mutilé d'une prostituée, premier d'une longue série de
meurtres aux résonances ésotériques. Enquêteur atypique, à l'âme mutilée
par son passé et au corps d'obèse, l'inspecteur Ragon n'a pour seule
arme contre ces crimes que sa sagacité et sa gargantuesque culture
littéraire. À la croisée des feuilletons du XIXe et des séries
télévisées modernes, Feuillets de cuivre
nous entraîne dans des Mystères de Paris steampunk où le mal le dispute
au pervers, avec parfois l'éclaircie d'un esprit bienveillant... vite
terni. Si une bibliothèque est une âme de cuir et de papier, Feuillets de cuivre est sans aucun doute une œuvre d'encre et de sang."

Tout d’abord, je tiens à remercier le site « French Steampunk » et les éditions « ActuSF » qui m’ont permise de gagner le nouveau roman de Fabien Clavel : « Feuillets de cuivre ».
Je suis fan de la plume de l’auteur depuis que j’ai lu son roman « Homo vampiris ». Fabien Clavel a toujours des idées originales, encore une fois il le prouve dans ce roman steampunk.
Comme le dit la préface du roman, il est difficile
de classer le steampunk dans un genre particulier. Sachant qu’on peut
aisément le classer dans la fantasy, mais aussi la science-fiction, le
fantastique…
« Feuillets de cuivre »
est un mélange de tout cela en même temps, mais pas seulement. On
découvre un univers sombre en France, au XIXème siècle, dont le genre
policier est largement mis en avant. Pour ma part, cela me fait penser à
notre cher Sherlock Holmes de Sir Arthur Conan Doyle. On retrouve un
enquêteur très intelligent et un grand méchant démoniaque qui sont dans
la même lignée.
Nous découvrons alors le nouvel officier Ragon
lors de sa première enquête sur les meurtres de prostituées. Ce héros
hétéroclite, de part son apparence massive, change radicalement de
l’image de bel âtre ! Une chose que j’apprécie énormément. Ragon est
donc assez traumatisé au début du récit, les fantômes de la bataille de Sedan conduite par Napoléon III, le rongent énormément.
Ce personnage torturé, pour échapper à son passé, se plonge avec
avidité dans la littérature. C’est un lecteur compulsif, doté d’une
grande intelligence. Au fil des enquêtes, on découvre qu’il résout
chaque crime grâce à la littérature. Face à ses manies, ses subordonnées
prennent ainsi l’habitude de travailler avec lui, ils sont même
admiratifs de cette qualité du héros. Fabien Clavel
met au cœur de ce roman, la littérature classique. Il y a de nombreuses
références à de grands écrivains : Baudelaire, Victor Hugo, Jules
Vernes, Maupassant et bien d’autres.
Dès l’ouverture du roman, il nous décrit le héros comme un albatros : « Essoufflé,
quoique jeune, Ragon déplaça son grand corps de plus de deux cents
livres avec l’impression d’être un albatros dont on aurait rogné les
ailes ». Tout le monde parvient à cité un certain poète :
« A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d'eux. »
L’image du héros donne cette impression de
difformité, qui était très représentative dans la littérature du XIXème
siècle. Pour Baudelaire, cela faisait parti de son image du « beau », le
bien et le mal ne font qu’un. Tandis que pour Victor Hugo, cela
démontre un côté comique, une sorte de récit fantastique dont il se fait
l’idée du grotesque.
Toutes ces références aux auteurs de ce
siècle ont su me faire plonger au centre de cette époque. Le steampunk
quant à lui est très peu présent au début du récit. Il se fait
progressif, au fil des nouvelles, des enquêtes. On parle au début du
marchandage de l’éther. Le seul élément qui pour le moment relit à ce
genre littéraire. Ragon veut absolument résoudre
l’enquête des prostituées tandis que la police à abandonner l’idée. Son
cœur n’est pas étranger à une certaine jeune femme, Lise. On retrouve
aussi dans la première enquête, un peu de fantastique lié à la magie.
Comme Baudelaire, la vision de notre héros reste alignée sur le fait que les parias sont sur la même ligne que les bourgeois :
« Il
lui semblait que le bordel, comme champ de bataille, contribuait à
l’ordre du monde. C’étaient des points d’équilibre qui devaient rester
solides dans leurs fondements sous peine de voir toute la société
basculer et couler dans l’ordure. »
La première partie du roman contient diverses
enquêtes de notre policier, mais la seconde partie se voit tout d’un
coup plus intéressante et directement en lien avec toutes les autres
nouvelles. La construction du roman est donc logique et permet de
comprendre progressivement où l’auteur veut en venir. Pour moi, je n’ai
pas cessé d’être impressionné par les éléments ajoutés qui entretienne
le suspens dans le récit. Jusqu’à la fin, je fus totalement surprise par
le renversement de situation. Je reste même sur ma faim à la dernière
page ! Est-ce réel ? Ou les protagonistes sont-ils fous ?
On découvre alors un monde steampunk plus vaste, machine scientifique
folle à base d’éther, machine volante, montre à remonter le temps…
Bref ! Divers éléments qui font partis de cet univers particulier. Mais
ici, il est justement dosé sans en faire trop, on reste dans une
certaine réalité. C’est un univers alternatif avec des éléments
historiques français totalement
réels. On découvre même des personnages historiques comme Maupassant,
il est amusant de voir certains d’entre eux tourné vers ce côté
surnaturel. Cela fait mouche ! J’ai aimé imaginer ces personnages
évolués dans un autre monde.
Dans cette seconde partie du roman, on découvre l’ennemi numéro 1 de Ragon. « L’anagnoste ». Tout comme Ragon,
il est passionné par la littérature. Il poussera sans cesse notre héros
dans diverses énigmes macabres pour savoir s’il est vraiment capable de
mettre en relation la littérature avec une enquête policière. Il veut
découvrir si Ragon est vraiment surdoué, s’il est
capable d’anticiper les morts qui malgré tout pullulent grâce à lui,
l’Anagnoste. Seulement, pour cet ennemi le rival de la littérature est
la science, qui a débuté avec l’imprimerie. Les gens fondent désormais
leurs connaissances par les écrits et non par transmission comme dans
l’antiquité. On découvre une autre image de Ragon grâce
à lui, une image plus « étrange ». Encore maintenant, je me demande si
c’est la réalité ? Cet élément fantastique dans le récit me trouble
vraiment.
La plume de Fabien Clavel
est un pur décile qui tient même du divin. J’ai adoré ce qu’il a
entreprit dans ce roman. Les connaissances de la littérature qu’il nous
offre, nous enchantent et nous comblent. Il nous démontre également des
connaissances dans l’art (notamment avec le chapitre de l’asile et la peinture japonaise).
J’aime quand des écrivains usent de citation d’œuvre classique (si bien en littérature française, étrangère ou antique !). Tout est placé avec justesse, les citations nous mène toujours à une résolution de l’énigme, elle nous enrichit l’esprit. Fabien Clavel
arrive donc avec la littérature à nous faire découvrir un côté sombre
de l’histoire humaine qui détourne des vers, de la prose à son
machiavélisme. L’anagnoste est si fascinant !
En conclusion, « Feuillets de cuivre »
est une pure merveille que je recommande chaudement. L’auteur nous
démontre la connaissance de la littérature à des fins sombres et
cruelles. Mais elle nous permet également d’apprendre pour résoudre des
énigmes. C’est une histoire basée sur le steampunk, certes. Mais
l’élément le plus important du roman est sans conteste la littérature
elle-même avec en trame de fond un récit policier doté de fantastique.
Merci Fabien Clavel de démontrer encore à quel point vous êtes un grand écrivain !
EXTRAITS
« Il s’éloigna de
la vitre, bouscula des visiteurs empressés et quitta la Morgue. Il
sortit du bâtiment auquel on avait donné la forme d’un temple grec.
Ragon y voyait une ironie méchante. On moquait les cadavres anonymes en
les assimilant à des divinités antiques. »
Pour un nouveau festin de nos chairs androgynes
« - Avez-vous vu
le cadavre ? Tiphaine était manifestement dans les bras de Morphée au
moment où cela est arrivé. Et puis, vous avez remarqué comme son corps
l’accablait. Songez-vous un seul instant que notre victime ait pu décidé
de se coucher nue pour attendre la police ? Non. Ceci est manifestement
une mise en scène. On lui a d’ailleurs donné la position exacte de
l’Hermaphrodite endormi du Musée du Louvre. Nous avons affaire à un
meurtre arrangé en suicide, j’en ai l’intime conviction. »
« - Mais quel est l’usage de cette machine infernale ? le coupa brutalement Bailly.
Le gardien de la paix semblait effaré par cet exposé. Comme Ragon, il en appréhendait la conclusion autant qu’il attendait.
- Avez-vous lu Le Banquet de Platon ? répliqua le médecin.
- J’ai lu tous les livres, fit Ragon.
- J’ignorais qu’il y avait des lettrés dans la police… L’un des
discours de ce traité philosophique, celui d’Aristophane, raconte
comment la terre fut jadis peuplée d’être à huit membres et deux têtes.
Certains étaient entièrement hommes, d’autres femmes et les derniers
androgynes. Leur puissance attira la jalousie de Zeus qui les foudroya
et les coupa en deux. Eh bien, je cherche à restaurer notre androgynie
primordiale. Je veux retrouver ce banquet originel où toutes les identités étaient acceptées. »
Croire à la pieuvre
« D’après mes
renseignements, les Japonais appellent cette œuvre Tako to Ama, ou L’ama
et le Poulpe. Outamaro, un autre peintre japonais sur lequel j’ai fait
paraîte un puscule, aimait à représenter ces pêcheuses de perles qui
descendaient en apnée, vêtues d’un simple pagne et dont la tradition
remonte à près de deux millénaires. Mais ce que vous me montrez est une
copie, de qualité, certes, mais un œil suffisamment exercé peut le
déceler. Les écritures japonaises qui occupent l’arrière-plan sont du
charabia. »
GLOBALE : 10 /10
ECRITURE : 10 / 10
SCENARIO : 10 /10
PERSONNAGES : 10 / 10
SUSPENS : 10 /10
COUP DE CŒUR !